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29 juillet 2022 5 29 /07 /juillet /2022 13:05

« Breaking bad » : Partir en vrille. Voilà pour la traduction basique. Mais c’est un "gérondif verbal" (en terme linguistique), une forme en "-ing", qui peut être interprété de plusieurs manières. Car le gérondif verbal est employé beaucoup plus diversement en anglais qu'en français (on parle plutôt de "participe présent" en français, dont le sens est limité dans notre langue, on l'utilise d'ailleurs peu, alors qu'on retrouve très fréquemment la conjugaison en "-ing" en anglais). Même une journaliste anglo-américaine n’est pas sûre de comprendre le sens de ce titre. « What exactly does that mean, i’m not cool enough to understand ?”, demande-t-elle au créateur Vince Gilligan lors d’une conférence de l’American film institute (AFI) en 2010 (voir :   https://youtu.be/9572UEEa530). Ce dernier raconte que quand il a écrit le script, les gens étaient trop polis pour lui poser cette question. Excepté le patron de la production Sony qui souhaitait changer le titre, car il ne le comprenait pas.

Nous distinguons 4 sens, à partir de plusieurs usages du gérondif verbal en anglais :

1/ Le gérondif de sens substantif, qui est un gérondif équivalent à un infinitif (on peut le traduire par un infinitif en français; et on peut le remplacer par un infinitif en anglais). L’expression « to break bad » est ainsi traduite par « mal tourner », « partir en vrille », comme dans notre définition de départ. L’infinitif ne spécifie pas de temporalité, il prend alors un sens général.

C’est le sens 1 en forme d’infinitif, qui est donné par Vince Gilligan à la journaliste. Plus précisément, il lui répond que l'expression provient de sa région de Virginie. Selon lui, elle signifie « to raise hell ». On pourrait la traduire par « atteindre l'enfer » (lui donne l’exemple d'un type qui aurait trop bu d'alcool au bar). S'il emploie l'infinitif c'est peut-être parce qu'ici, il désigne formellement "Breaking bad" comme le titre de son scripte. Un scripte qui enveloppe toutes les temporalités.

Vince Gilligan

 2/ Le gérondif de temporalité progressive. Il indique une action non achevée, en train de se faire, un processus. Ici une action de détérioration lente. Une expression cousine est « breaking down » que l'on peut traduire par "décomposition".

Le sens 2 est celui du fil rouge de la série intégrale. Elle nous raconte comment un gentil devient un gangster sombre au fil des saisons, sur le temps long.

3/ Le gérondif de temporalité courte, immédiate : un sens de démarrage, dans l’esprit des premiers épisodes où Walter White bascule dans sa double vie. Le sens serait ici ce moment où l’on « franchit la ligne », ou bien ce moment où l’on « pète un plomb ». A rapprocher de l'expression cousine « nervous breakdown », qui signifie dépression nerveuse, lorsque les nerfs lâchent d'un seul coup.

Le sens 3 est donné par le personnage de Jessie dans le premier épisode, où il se demande comment à l’âge de 60 ans, Walter va passer de l’autre côté de la barrière : « So straight like you, giant stick up his ass, all a sudden at age, what, 60, he’s just gonna break bad ? ». On peut le traduire par : « Donc un homme droit comme vous, avec un gros bâton dans le cul, tout d'un coup à l'âge de, quoi, 60 ans, il va craquer ? ».

On retrouve ce sens 3 dans l’Urban dictionary. Sometimes, life forces you to cross the line. You're going about your normal everyday routine, when suddenly something truly awful happens and all that pent-up rage you feel about your job, your marriage, your very existence, is released with unstoppable fury. Some call it "reaching the breaking point"; others call it "breaking bad."

https://www.urbandictionary.com/define.php?term=Breaking+Bad

Les sens 2 et 3 sont tous les deux donnés par l'interprète de Walter White, Brian Cranston, qui a précisé qu'on employait cette expression pour des personnes «qui ont franchi la ligne et qui ont mal tourné». Une attitude qui peut durer plus ou moins de temps: «Cela peut être pour la journée ou pour la vie», a-t-il ajouté.

https://tvmag.lefigaro.fr/le-scan-tele/series/2015/04/21/28005-20150421ARTFIG00327-pourquoi-breaking-bad-s-appelle-breaking-bad.php

4/ Le gérondif désignant une action antérieure par le Present perfect continuous (have been breaking bad). Un passé qui précède le présent. Ici plutôt un présent qui précède un futur. Car avant le générique, un épisode commence souvent par un flash forward. On nous place dans le temps futur de l’intrigue principale. Un futur décrivant une scène où les choses ont mal tourné, sans que l'on sache pourquoi (un homme dénudé face à l’arrivée de la police dans l’épisode pilote ; des agents en blouse de protection ramassant de mystérieux débris dans toute la saison 2 ; etc.). Après le générique, l’intégralité de l’épisode revient dans le présent.

C’est le sens possible de la vignette du titre du générique. On va nous raconter comment on en est arrivé là, à cette scène que l'on vient de voir. Comment les choses ont mal tourné.

Enquête à suivre avec le prochain épisode du spin-off "Better call Saul", intitulé "Breaking bad", diffusé ce mardi 2 août 2022.

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9 juillet 2022 6 09 /07 /juillet /2022 15:17

La bicéphalité de Tom Cruise est connue : d’un côté l’acteur interprète au service de grands réalisateurs (Martin Scorcese, Stanley Kubrick, Paul Thomas Anderson, Steven Spielberg, Sydney Pollack, Michael Mann), de l’autre l’acteur cascadeur dans des productions sous ses ordres (Top Gun 2, Missions impossibles, Jack Reacher et autres). Demeure une question : pourquoi sa filmographie s’est-elle restreinte exclusivement à la cascade depuis le film historique Valkyrie en 2008 ? En fouillant dans les portraits et autres archives, impossible de trouver de réponse. On peut avancer l’hypothèse économique des profits supérieurs : Valkyrie n’a pas été un flop commercial, il a engendré des bénéfices, mais rien à voir avec le succès d’un Top Gun 2. Toutefois cette dimension pécuniaire n’est pas suffisante pour expliquer ce tournant filmographique si radical. Tom Cruise est un amoureux du cinéma, d’une variété de cinémas, de Buster Keaton à la Nouvelle vague française des années 60. Il a connu de grands succès publics sur ces films de qualité, notamment Jerry McGuire. Car comme le remarque l’écrivain Aurélien Bellanger, « il n’est jamais aussi bon et bouleversant que lorsqu’il joue des Américains cherchant à être trop parfaits ».

Une seconde explication est celle qu’il met en avant dans les interviews : son goût de la cascade. Lors de sa masterclass au festival de Cannes 2022, il explique qu’à l’âge de 4 ans, il a sauté de la fenêtre de sa chambre avec un parachute qu’il a fabriqué avec son drap. Il continue ainsi à rechercher le grand frisson, dans une implication extrême, lorsqu’il s’accroche à un avion pendant un décollage (Mission impossible-Rogue nation). Enfin, il y a ce marronnier du « Tom Cruise control » : il ne veut plus se mettre sous les ordres d’un ponte, puisque le ponte c’est lui. Il contrôle désormais toutes les étapes de ses films, de l’écriture au montage. Il s’entoure éternellement de la même équipe, avec notamment Christopher McQuarrie, qui est de tous ses projets en tant que scénariste ou réalisateur. Là encore l’explication est trop courte. Valkyrie lui permettait de combiner les deux, c’était un film historique, mis en scène par le brillant Bryan Singer, mais produit par United Artists (UA), entreprise que Tom Cruise venait de racheter, emblématique des films d’auteurs, fondée notamment par Charlie Chaplin. La société était notamment connue pour avoir produit le dernier film du Nouvel Hollywood, Les Portes du Paradis de Michael Cimino. Son échec cuisant en 1980 avait entrainé sa faillite avec pertes et fracas. Son rachat par Tom Cruise en 2008 était donc un symbole du mariage entre la star et les films d’auteurs. Sous cette bannière, outre Valkyrie, l’acteur avait également tourné et produit le film politique Lions et Agneaux, mis en scène par Robert Redford. Deux autres films sans l’interprétation de Tom Cruise ont finalement eu raison de cette renaissance du studio : un remake de Fame et Hot Tub Time Machine, une comédie de voyage dans le temps sans ambition.

Tom Cruise est encore propriétaire d’UA lorsqu’il s’en désintéresse pour développer des projets de films d’action en dehors de celle-ci, comme Mission: Impossible - Ghost Protocol (qui marque son retour à Paramount, studio qu'il l'avait précédemment viré pour ses sorties médiatiques hystériques et pro-scientologie) et Rock Of Ages. Après avoir remonté le temps, nous n’avons donc toujours pas de réponse au mystère du tournant filmographique de Tom Cruise. Lui ne semble pas établir de hiérarchie entre ses deux grandes tendances cinématographiques (auteur versus cascadeur). Même pas de distinction. Sur le plateau de l’émission Quotidien, en 2017, Yann Barthès lui demande, « quel est le personnage avec lequel vous avez pris le plus de risque dans un film : Né un 4 juillet, Eyes wide Shut ou peut-être Magnolia ? ». L’acteur répond : « ce n’était pas de grosses prises de risques. J’adore tous les genres de films, je suis très éclectique dans mes choix ». Il l’était certainement il y a 10 ans, éclectique, mais quand le redeviendra-t-il ? Peut-être jamais. Selon le documentaire d’Arte ("Corps et âme"), il a tout simplement « renoncé à trouver le rôle ultime, celui qu’il cherchait en tournant avec les plus grands ».

Sources :

Portraits

- Article du New york Times, juillet, 2022

https://www.nytimes.com/2022/07/04/movies/tom-cruise-top-gun-maverick.html

- Tom Cruise - Corps et âme | Documentaire | @ARTE Cinema

https://www.youtube.com/watch?v=sF8LjQW31r0

- Article de Libération en 2018

https://www.liberation.fr/cinema/2018/07/31/tom-cruise-gonfle-a-l-ethan_1670016/

- TF1

https://www.tf1info.fr/culture/tom-cruise-anniversaire-l-acteur-de-top-gun-maverick-fete-ses-60-ans-comment-il-est-redevenu-le-roi-a-hollywood-2225023.html

Interview carrière :

- Masterclass à Cannes 2022

https://www.youtube.com/watch?v=Yclipex1nFQ

- Dans Le Quotidien

https://www.youtube.com/watch?v=M8iHZq4D_K8

Passage à United Artist

https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9780429058332-14/star-producer-executive-sarah-sinwell

https://www.denofgeek.com/movies/tom-cruise-and-the-failed-united-artists-experiment/

 

 

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25 juin 2022 6 25 /06 /juin /2022 00:05

« Manuela ou l'impossible plaisir », « Perverse Léa », « Liaisons à domicile », etc. Les téléfilms érotiques du dimanche soir sur M6 ont été diffusés de 1990 à 2005, avant d’être remplacés par 100% foot, une émission susceptible d’attirer des publicités plus rémunératrices que celles pour le minitel ou le téléphone rose (type 3615 Ulla). Elle permettait aussi de s’orienter vers une image de marque plus familiale. Cet arrêt ne provenait pas tant d’un problème de chiffres d’audience, que de contenu. Car ces pastilles frivoles enregistraient 15% de part de marché en moyenne et drainait des spectateurs sur les émissions précédentes, comme Capital et Culture Pub. Si elles étaient un moyen commode de se distinguer de la concurrence, elles permettaient aussi de respecter les « obligations de produire des programmes français », explique Nicolas de Tavernost en 2020. Suspicieux, le CSA a même vérifié qu’ils avaient été tournés en français en engageant des sourds muets chargés de lire sur les lèvres des acteurs. Les vérificateurs émettent alors des doutes. L’affaire est portée devant le Conseil d’État qui valide finalement leur origine française.

Drôle de jeu, 2001, de Benjamin Beaulieu

Cette obligation légale était remplie à moindre coût. Les téléfilms sont reproduits de manière industrielle. Un ou deux lieux chics, une musique lounge basique, un scénario minimal autour de 2 figures féminines. D’un côté, « une femme avide de sexe (…) qui attire à elle les hommes et femmes qui passent à sa portée » (Fussinger et al, 1998). Comme Valérie qui veut à tout prix pratiquer l’échangisme, dans Plaisirs défendus. De l’autre, un personnage féminin plus candide « qui suit une sorte de parcours initiatique qui lui révèle des aspects jusqu’alors ignorés de la sexualité ». Une mannequin initiée à la photographie numérique (Manuela ou l’impossible plaisir) ; une amnésique qui recouvre la mémoire grâce à ses amis (Désirs troublés) ; une touriste échouée chez un châtelain qui l’espionne par le trou de la serrure (Ces plaisirs qui vous hantent). Les hommes sont certes libidineux, mais fades car ils ne sont pas le centre d’intérêt. L’ambiance générale peut être légère voire drôle, mais elle est souvent inquiétante avec des manipulations (chantage, ou autre) ou des forces maléfiques (femme envoûtée, maison hantée). Le motif de la vengeance revient fréquemment contre une rivale ou un homme infidèle.

Dans cette fabrique, on retrouve souvent les mêmes équipes. Pour la scénariste Céline Guyot, ce n’est qu’une moisson de commandes parmi d’autres pour la télévision, à côté des feuilletons de type « Sous le soleil » ou « Femmes de loi ». Elle est toujours aujourd’hui prolifique dans les séries françaises, comme « Meurtres à Figeac ». Pour les acteurs, ces contrats permettaient de vivoter. Benoit Clerc avait suivi une formation en école d’art dramatique pendant 4 ans au début des années 1990, puis avait bifurqué vers l’organisation de soirées techno en tant que DJ, avant de signer un contrat pour 20 téléfilms au tournant des années 2000 : « Quand on débute en tant qu'acteur, on prend tout ce qu'on peut avoir(…). Quand j'ai commencé, les retours étaient excellents ; le tournage était de haute qualité et de bon goût (…) les films sont devenus très populaires incroyablement rapidement, augmentant ma renommée et mon statut ». Il est redevenu DJ ensuite et il pratique toujours cette activité musicale, selon sa page Linkedin. Quant à ces téléfilms roses, ils ont un temps engrangé des succès d’audience sur les petites chaines de la TNT, comme W9. Puis sur ces mêmes chaines, ils ont progressivement été remplacés par des productions américaines.

Sources :

Fussinger, C., Kraus, C., & Vuille, M. (1998). TVQ sur M6. Equinoxe, (19), 47-59.

https://archive-ouverte.unige.ch/files/downloads/0/0/0/9/9/8/1/4/unige_99814_attachment01.pdf

Slate, l'érotisme meurt en silence

http://www.slate.fr/story/17741/television-lerotisme-meurt-en-silence

Voici, "Quand le CSA faisait enquêter des sourds muets sur les téléfilms érotiques de M6"

https://www.voici.fr/tele/quand-le-csa-faisait-enqueter-des-sourds-muets-sur-les-telefilms-erotiques-de-m6-692564

Emmanuel Chain, sur les succès de son audience

https://www.programme-tv.net/news/tv/272933-emmanuel-chain-comment-le-film-erotique-du-dimanche-soir-a-booste-capital-video/

La scénariste Céline Guyot

https://www.imdb.com/name/nm0349923/

https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/une-histoire-de-couple-10-09-2007-2008364322.php

L’acteur Benoit clerc

https://phanganist.com/content/n-close-dj-benoit

https://www.programme-tv.net/biographie/8729-clerc-benoit/

Benoit clerc toujours DJ :

https://www.youtube.com/watch?v=k8ttbY78ix0

Manuela ou l'impossible plaisir

https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=211234.html

Inavouables désirs

https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=211871.html

Missions de charme

https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=224707.html

Une passion obsédante

https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=212043.html

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30 avril 2022 6 30 /04 /avril /2022 17:51

Quel est le point commun entre le dernier « Batman » (2022) et le dernier Camelia Jordana « La nuit venue » (2020) ? Ils reprennent les codes du « film noir ». Chaque critique de cinéma peut y aller de sa petite définition, mais sommairement, cette veine cinématographique dresse le portrait de villes, faites de crimes et de corruption; avec leurs rues luisantes sous la pluie; leurs veloutes de brume, de gazole et de tabac; et leurs contrastes clairs-obscures la nuit. Un cinéma plutôt pessimiste - infusé de la violence réelle des guerres et des passes d’armes urbaines- mais aux dialogues sophistiqués dans une nuit stylisée, et où le bien finit à la fin par tirer un peu son épingle du jeu. Quand la vérité qui fait mal est dévoilée, et que le jour se lève. Le scénariste de « La nuit venue », Benjamin Charbit, parlait aussi d’un cinéma de marge : des personnages qui ne marchent pas dans les clous et des plans de quartiers précarisés. De fait, les protagonistes principaux sont des oiseaux de nuit, exerçant dans des horaires décalées de l’employé de bureau moyen, et occupent des fonctions atypiques, qu’ils soient chauffeur la nuit ou vengeur masqué en chauve-souris.

Batman (2022)

 

La nuit venue (2020)

Leur période originelle est celle des années 1930 à 1950 aux États-Unis : ce cycle des premiers « noirs » est, en dépit de ses codes, « probablement le plus créatif de l’histoire d’Hollywood », estime le critique-scénariste-réalisateur Paul Schrader (Taxi Driver) en 1972. C’est pourquoi ce cinéma a marqué et continu de marquer les œuvres d’aujourd’hui. La cinémathèque consacre une rétrospective à ces premiers films « noirs », du 27 avril au 11 mai 2022, avec entre autres « Assurances sur la mort » (1943) de Billy Wilder et « l’Ennemi public » de William A. Wellman (1931).  Elle les présente par un beau texte sur son site internet, signé de Serge Chauvin, critique de cinéma : « le déraillement de l'existence, ou la conscience trop tardive du mauvais choix, se concrétisent dans une dramaturgie privilégiée : si les récits linéaires prennent volontiers la forme d'un engrenage, le film noir pousse surtout à l'extrême le goût du cinéma hollywoodien de l'époque pour le flashback (figuration du trop tard) et la voix off déjà virtuellement posthume. Assurance sur la mort en est l'exemple fondateur et emblématique : l'antihéros déchu et défait, faute d'avoir maîtrisé sa vie, en contrôle du moins le récit, ultime orgueil de l'échec. La fréquente vanité de l'action (si violemment physique soit-elle) est compensée par une éloquence qui se déploie dans des dialogues grinçants, où l'autodérision des protagonistes proclame leur dignité jusque dans la défaite ».

Assurance sur la mort (Double indemnity-1943)

Sources :

- Rétrospective de la Cinémathèque

https://www.cinematheque.fr/cycle/films-noirs-20-indispensables-634.html

- Schrader, P. (1972). Notes on film noir. Film Comment, 8(1), 8-13.

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23 mars 2022 3 23 /03 /mars /2022 18:01

Elle est la « magie » du théâtre ou du cinéma. La Katharsis désigne, en grec, l’action de « nettoyer, purifier, purger ». Appliquée aux arts, Aristote y voit le but de la tragédie, dans le chapitre 6 de la Poétique : « en représentant la pitié et la frayeur, elle réalise une épuration de ce genre d’émotions ». A partir des nombreuses discussions et controverses qui s’en suivies, on peut désormais expliciter les étapes du processus de purge :

1/ La représentation des émotions du personnage

La pitié, selon Aristote, s’adresse à l’homme qui n’a pas mérité son malheur, la frayeur au malheur d’un semblable. Dans la catharsis, réside un lien à l’autre, un altruisme, une empathie. C’est le socle du mécanisme, même si ce n’est pas l’unique pièce. Nous sommes concernés par le destin d’Œdipe sans avoir couché avec notre mère. Notons au passage qu’au sens plus moderne, la catharsis se réfère à un panel d’émotions plus large que la pitié ou la crainte : peine, colère, mélancolie, etc..

"Réparer les vivants", de Katell Quillévéré, 2016

2/ Le lien avec les émotions du spectateur par l’identification

L’empathie pour le personnage est si prégnante qu’elle aboutit à l’identification : si cela est arrivé à mon semblable, cela peut m’arriver. L’autre ne nous ressemble pas forcément, mais nous nous identifions à ses affects, comme l’exprime Stephen King dans son manuel Écriture, en donnant l’exemple d’Annie Wilkes, tortionnaire dépressive qui enferme un accidenté de la route chez elle dans le roman Misery : « Si je parviens, de façon fugace, à vous faire voir le monde par les yeux d’Annie Wilkes, autrement dit à vous faire comprendre sa folie, il se peut alors que vous sympathisiez avec elle ou même que vous vous identifiiez à elle ».

Par l’identification, le spectateur relie ses propres émotions à celles du personnage. Or ces ressentis peuvent être dans la vie quotidienne, non exprimés ou refoulés, pour diverses raisons. Dans la réalité, nous sommes sujets à ce flot déstructuré, imprévisible, et insensé de nos émotions. Nous ressentons les déplaisirs sous une forme de douleur immatérielle et insaisissable, et de surcroit souvent en solitaire. Leur représentation théâtrale est une manière de les sortir de notre tête, mais de manière artistique. Leur représentation les rend visibles et matérielles. Leur esthétisme les rend acceptables. Nos émotions sont alors pleinement ressenties lors de leur représentation sur scène, habillées d’un sens et d’une esthétique. « Pour moi le cinéma, c’est une manière de se sentir vivant sans se mettre en danger. Il doit fonctionner comme une catharsis ; lâcher ses émotions pour mieux les mettre à distance », témoignait Katell Quillévéré, réalisateur de « Réparer les vivants », au magazine Première, le 20 février 2021. Un auteur nous confronte à nos démons en nous tenant la main et en allumant une petite lanterne rassurante à notre chevet.

Cinéma en plein air, à la Roche-sur-Yon, 2019

3/ Le déplaisir converti en plaisir

Par-delà le simple registre acceptable, la représentation artistique rend plaisante la peur ou la peine. La catharsis est une sublimation : la conversion d’instincts peu agréables ou peu valorisés en quelque chose de plus noble, de plus beau, qui nous rend plus digne et nous élève. Le déplaisir est transformé en plaisir par l’esthétisme du spectacle et le sens du récit : « Le spectateur serait horrifié en voyant une mère massacrer ses enfants, mais il peut assister, sans bouger de son siège au récit de ce meurtre dans une tragédie comme Médée. Ce qui intéresse ici Aristote est la mystérieuse transformation des affects négatifs, par l’art mimétique, en plaisir. Car, pour Aristote, la catharsis substitue du plaisir à de la peine (…) : le poète doit procurer un plaisir qui provient de la pitié et de la frayeur et cela en les passant au tamis de la représentation. Pour Aristote, donc, la catharsis est avant tout un concept esthétique » (Vivès, 2010).

Le philosophe observe que l’imagination possède le pouvoir d’inverser les affects et de soulager l’âme. L’art est un miroir à émotions. De surcroit, d’autres spectateurs sont confrontés au même drame, d’autres spectateurs avec qui je peux partager cette expérience émotionnelle. La culture n’est pas qu’un élément introspectif, elle alimente les discussions, et est un facteur de socialisation. La catharsis peut être collective. Pour les Japonais, le premier Godzilla (1954), énorme bête qui détruit tout sur son passage, est une catharsis des bombardements nucléaires subis pendant la Seconde guerre mondiale.

Godzilla, 1954

4/ La « purification » ou « purge »

Si la catharsis a fonctionné, nous nous sommes confrontés à nos peurs et le mal refoulé qui nous rongeait silencieusement a été exprimé, délesté, transformé en plaisir voire en lien social. La lumière de l’écran a agi comme une photosynthèse. Nous ne sommes plus tout à fait le même avant d’avoir vu l’œuvre et après. Nous laissons une petite partie de nous-même derrière nous.  Nous n’éprouverons plus tout à fait de la même manière la pitié et la crainte. Nous les éprouverons sous d’autres formes, sous d’autres douleurs, et nous aurons à nouveau besoin de la catharsis.

 

Sources :

 

Forestier G. (2008) Catharsis : de la tragédie grecque au cinéma d’horreur

https://eduscol.education.fr/odysseum/catharsis-de-la-tragedie-grecque-au-cinema-dhorreur

Bessière V. (2020), Quand l’histoire se répète

https://www.unilim.fr/espaces-linguistiques/256

Vives, J. M. (2010). La catharsis, d'Aristote à Lacan en passant par Freud. Recherches en psychanalyse, (1), 22-35.

Naugrette, C. (2008). De la catharsis au cathartique: le devenir d’une notion esthétique. Tangence, (88), 77-89.

https://www.erudit.org/en/journals/tce/1900-v1-n1-tce2878/029754ar.pdf

Godzilla, le roi lézard super star

https://www.telerama.fr/debats-reportages/godzilla-le-roi-lezard-super-star-6946215.php

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31 janvier 2022 1 31 /01 /janvier /2022 17:18

Une autre manière de poser la question est : pourquoi les réalisateurs recourent à des sex-symbols, et pourquoi nous, spectateurs, voulons-nous les voir à l’écran ? On s’en tient à quatre pistes, de la plus évidente à la moins évidente.

Virginie Efira

1/ La fascination de la beauté dans les arts visuels

Le spectateur recherche l’expérience visuelle de la beauté, quelle qu’elle soit. Elle rend sa vie plus « animée », plus digne « d'être vécue » (Elaine Scarry, 1999 ; Spyke, 2006). La beauté nous inspire et nous oblige à créer et imiter les belles choses. Devant l’écran, nous sommes fascinés par ces humains hors du commun, sublimés par le maquillage, le coaching sportif, les effets de lumière. Subjugués par cette addition de talent du travail d’acteur avec un talent naturel qui est d’être attirant. Entre personnage fictif et acteur réel, le sex-symbol (un idéal de beauté) peut constituer à la fois une source de plaisir et un modèle duquel s’inspirer ou auquel se conformer. Pas seulement du strict point de vue des lignes du corps et du visage, mais aussi des comportements, des mouvements gracieux, des manières de séduire. Et pas seulement dans le seul cadre des films et séries, car sa figure est également construite dans d’autres médias de masse que sont la presse ou la publicité. Ses photos esthétiques, prises elles-aussi par des photographes professionnels, viennent illustrer ses choix de carrière, ses goûts cinématographiques, et sa vie privée. Le ton employé par l’interviewé peut être humble, ou recourir à l’autodérision voir à l’auto-dépréciation (Kanai 2015). Face au starsystem, le spectateur lui, peut être tiraillé par des sentiments contradictoires : fascination pour la beauté (le beau pour le beau), et répulsion pour cet attrait irrationnel qui passe par ses sens primaires (garder son libre arbitre face à la beauté), ou qui est source de complexes.

James Dean

2/ La sollicitation de la pulsion sexuelle

Comme en publicité, le créateur de fictions cherche à capter et maintenir l’attention du spectateur sur son sujet, par le stimuli biologique sexuel. Ce levier peut passer par l'embauche d'acteurs attirants, la mise en valeur de leur corps, voire des scènes de nu ou un contenu érotique. Mais à mesure que les niveaux de nudité ou d'érotisme augmentent, les effets d’attention peuvent devenir négatifs, susciter le rejet, et donner une mauvaise image (LaTour, Pitts, & Snook-Luther, 1991). Le réalisateur doit donc gérer le bon dosage de la sensualité. Pour preuve, les films pornographiques sont les plus extrêmes en la matière, et ne jouissent pas d’une bonne réputation. A l’opposé, des films toute en évocation érotique et en subtilités amoureuses, ont acquis leurs lettres de noblesse. Par exemple, la métaphore de la cigarette entre Greta Garbo et John Gilbert dans Flesh and the Devil (1926) ou celle entre de Scarlett Johanson et Bill Muray dans Lost in translation de Sofia Coppola. Une même cigarette qui passe sous les lèvres des deux protagonistes dans un moment de séduction.

Lost in translation

3/ Sublimer d’autres émotions et d’autres sens

L'une des principales incitations à regarder des longs métrages, et des séries, est la palette émotionnelle et sensorielle qu'ils suscitent. L’émoi sensuel ou sexuel n’est pas indissociable de fortes émotions de plaisir et d'amour (Plutchik, Kellerman, 1980). En plus de ces émotions, la beauté physique peut embellir d’autres sens, comme l’ouïe. Une étude (Wapnick, 1997) a montré que les chanteurs masculins les plus attrayants n'étaient pas mieux notés que les hommes les moins attrayants dans la condition audio. En revanche, ils étaient mieux notés que les moins attrayants dans la condition audiovisuelle. Les émotions et les sens interagissent les uns avec les autres. Mais cette meilleure notation peut aussi s’expliquer par le concept de « beauty privilege ».

Angelina Jolie

4/ Le « beauty privilege »

Le concept de « beauty privilege » repose sur l’idée que les personnes attirantes sont généralement considérées comme plus intelligentes, plus crédibles, plus talentueuses, plus respectables, que leurs homologues moins attirants. Elles sont également perçues comme plus sensibles, subtiles, intéressantes, sociables, indépendantes, complexes, joyeuses, détendues. Ces phénomènes ont été démontrés par de multiples expériences scientifiques en psychologie et sciences sociales (Patzer, 2012 ; Adams, 1977 ; Berscheid & Walster, 1974 ; Debe vec, Madde n & Kernan, 1986 ; Kleck, Richardson & Ronald, 1974). Ces observations vont à l’encontre de l’adage selon lequel « on je ne juge pas un livre à sa couverture ».

Quand le film commence, et qu’un sex-symbol nous est présenté, nous lui associons d’emblée des qualités non-physiques, quand bien même nous ne connaissons pas grand-chose de lui. Miller a également montré que les personnes attirantes étaient davantage considérées comme « maitre de leur destin ». Ainsi dans les films dont le premier rôle est un héros ou même un super-héros, le réalisateur peut faire passer le message qu’il maitrise son destin en raison de son physique, ce qui permet d’économiser des explications verbales sur les capacités du personnage. Le fait que le héros réussissent ses actions est plus crédible s’il est beau. A l’inverse, les vilains qui échouent dans leurs entreprises seront souvent moins attirants. Car les recherches scientifiques montrent aussi que moins les personnes sont attirantes, moins elles sont appréciées, c'est même un fort vecteur de discriminations (Patzer, 2012). Elles se trouvent désavantagées pour être sélectionnées dans le travail, le rendez-vous amoureux, et le mariage.

Jennifer Lawrence et Bradley Cooper

Mais ne nous stressons pas trop non plus, notre beauté peut varier au fil des années, des saisons, de notre accoutrement, de notre santé, des pays dans lesquels on se trouve. Le cinéma a su jouer de ces contrastes, quand le crapaud ou la crapotte du début, se transforme en séducteur à la fin : La belle et la bête, Pretty Woman, Elle est top bien (She's All That), Ballroom dancing, Love Actually, etc.

Il existe aussi des limites au « beauty privilege » au cinéma. La beauté des acteurs masculins peut présenter un obstacle dans le lien entre le spectateur et le personnage : une espèce de « beauty handicap ».  Des études en neuropsychologie (Jankowiak-Siuda 2019 ; Bosco 2019) ont montré que les photographie d’acteurs masculins à beau visage suscitent moins d’empathie que les moins beaux. L'empathie, qui désigne la capacité de comprendre et de réagir aux états intérieurs des autres, est pourtant essentielle dans l’identification du spectateur au personnage. Bizarrement aussi, les beaux acteurs suscitent également moins d’empathie que les belles actrices. Les scientifiques n’ont pas trouvé d’explications.

Sources :

Elaine, S. (1999). On Beauty and Being Just

Joseph, W. B. (1982). The credibility of physically attractive communicators: A review. Journal of advertising, 11(3), 15-24.

http://www.psych.ualberta.ca/~msnyder/p486/read/files/J1982.pdf

Kanai, A. (2015). Jennifer Lawrence, remixed: approaching celebrity through DIY digital culture. Celebrity studies, 6(3), 322-340.

https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/19392397.2015.1062644

Jankowiak-Siuda, K., Duszyk, A., Dopierała, A., Bujwid, K., Rymarczyk, K., & Grabowska, A. (2019). Empathic responses for pain in facial muscles are modulated by actor’s attractiveness and gender, and perspective taken by observer. Frontiers in psychology, 10, 624.

https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2019.00624/full

Lin, C. A. (1998). Uses of sex appeals in prime-time television commercials. Sex Roles, 38(5), 461-475.

https://link.springer.com/content/pdf/10.1023/A:1018714006829.pdf

Miller, A. G., Ashton, W. A., McHoskey, J. W., & Gimbel, J. (1990). What price attractiveness? Stereotype and risk factors in suntanning behavior. Journal of Applied Social Psychology, 20(15), 1272-1300.

Patzer, G. L. (2012). The physical attractiveness phenomena. Springer Science & Business Media.

https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=BNJeBAAAQBAJ&oi=fnd&pg=PA1&dq=the+credibility+of+physical+attractiveness&ots=esH-Whgkd-&sig=e99xtcV84tSJudwIiZzsaBmVUXI#v=onepage&q=the%20credibility%20of%20physical%20attractiveness&f=false

Spyke, N. P. (2005). The Instrumental Value of Beauty in the Pursuit of Justice. USFL Rev., 40, 451.

https://heinonline.org/HOL/Page?handle=hein.journals/usflr40&div=18&g_sent=1&casa_token=xBAFJNPwcg0AAAAA:KwLB6gJoL9Vrn8M8bQompakQyJWj3FHQhHKJRc9XCZeph5Z2QC3Y0h0oVa1S88kYpSpPMr1N4NY&collection=journals

Wapnick, J., Darrow, A. A., Kovacs, J., & Dalrymple, L. (1997). Effects of physical attractiveness on evaluation of vocal performance. Journal of Research in Music Education, 45(3), 470-479

https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.2307/3345540?casa_token=ts0lW6Iu9-AAAAAA:kNFh3NX-UXC4Fnl7-C4TubfUgr-16RG_-Qo55XrCvNRughsSA83kXNccA-3chLto-rsOhUUjx9dheQ

Brad Pitt sur le tournage de Troie
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5 janvier 2022 3 05 /01 /janvier /2022 23:52

"She was the first". A l’âge de 29 ans, l’actrice Susan Backlinie incarne Chrissie Watkins dans Jaws (Les dents de la mer) sorti en 1975. C’est par ce personnage féminin iconique que les téléspectateurs ont découvert le requin de Steven Spielberg, qui l’attaque pendant son bain de minuit. Bien que la séquence introductive ne dure que 3 minutes (et l’attaque elle-même 45 secondes au total), elle grave pour l’éternité la nage au-dessus des grandes mâchoires dans les souvenirs cinéphiliques, tout en permettant de multiples interprétations métaphoriques. Explorons celle d’un critique américain de l’époque Dan Rubey. Selon lui, si cette séquence d’ouverture trouve un écho chez une masse de spectateurs c’est parce qu’elle reflète « une haine déguisée des femmes» et « la sexualité sadique » de la société (Rubey, 1976). Tentatives d’explications de la mise en scène de Spielberg :

1/ Intro. Chrissie Watkins rencontre un homme lors d’un feu de camp de plage de la côte Est. Ils ressemblent à des jeunes de la contre-culture américaine qui représentent une nouvelle époque, et tentent de nouvelles expériences. C’est peut-être leur tort. L’image embroche Chrissie par une clôture de bois, formant comme une dentition, et annonce le drame à venir. Lui porte un pull en motif de peau de lézard, annonçant qu’il est le genre d’animal à rester au sec en dehors de l’eau. Après un échange furtif que l’on n’entend pas, les deux plagistes partent ensemble.

 

2/ Nuit. Chrissie apparait comme une ombre dans la nuit, contre la clôture en forme de dents qui occupe tout le cadre, cette fois-ci de manière plus menaçante. Le prétendant lui redemande son nom « What’s your name again ? », la voix éméchée. Elle lui dit qu’elle part nager. Il va devoir la mériter, en montrant au moins qu’il tient debout.

3/Nue. Quand elle se déshabille, elle se trouve au centre des dents de la clôture. La séquence est d’autant plus marquante pour l’époque que « pour nombre de garçons en train de grandir, elle devait être la femme nue qu’ils voyaient pendant un film », explique le contributeur Dean Newman, sur le site officiel des fans du film.

4/ Océan. Le prétendant qui lui court après est trop ivre pour suivre le rythme. Il commence par se prendre les pieds dans le sable. Chrissie Watkins ne se retourne pas, elle affirme son autonomie et sa liberté en plongeant seule dans l’eau toute nue. Elle franchit une frontière, une ligne de démarcation physique, entre le sol et l’eau. Peut-être dépasse-t-elle les limites ? Dans l’histoire du cinéma américain, l’océan représente la dernière limite géographique, la fin de l’exploration territoriale, la fin d’une certaine utopie (voir la dystopie On the Beach de Stanley Kramer en 1959 sur la fin du monde). Dans Jaws, c’est peut-être la fin de l’utopie de la contre-culture américaine.

5/ Promesse. Malgré son ivresse handicapante, Monsieur n’abandonne pas et reprend sa course. Il arrive près de l’eau et enlève son t-shirt : « I can swim », promet-t-il désespérément à la belle qui a déjà commencé à nager. Il est un suiveur, un peu ridicule, guidé par son désir qui le rend encore plus maladroit et inconscient de la réalité qui l’entoure.

6/ Immensité. Une bouée et les jambes de Chrissie dépassent de l’eau, la partie émergée ne représente rien par rapport à l’immensité de l’océan. Le spectateur commence à comprendre la situation de faiblesse dans laquelle se trouve Chrissie. Il commence aussi à comprendre que le jeune homme n’est pas de taille à affronter ce monde de profondeurs.

7/ "Come on in the water !". La camera se rapproche du visage de Chrissie. Mais elle apparait légèrement dans l’ombre, à contre-jour d’un crépuscule écarlate, peut-être maléfique, qu’elle ne voit pas. Elle appelle son ami : « come on in the water ! ». Mais il s’écroule sur le sable mouillé, soul, après s’être marmonné à lui-même « take it easy ». Le critique des Cahiers du cinéma Serge Daney théorise la dichotomie entre la catastrophe du requin et la scène de sexe avortée dans ce cinéma américain jugé conservateur : « S’il y a quelque part un lien, un seul, entre violence et pornographie, c’est que dans la logique du film-catastrophe, elles sont exclusives l’une de l’autre. S’il y a violence, il n’y aura pas pornographie puisque c’est la menace pornographique que la violence vient conjurer ».

8/ Voyeurisme. Arrive alors la première prise de vue sous l’eau, accompagnée de premières notes de musique de John Williams, langage sonore du personnage principal du film, le requin, dont on adopte le point de vue sous-marin. Mais comme l’indique une des affiches promotionnelles du film « She was the first ». Chrissie est la première, elle est celle qui appâte le requin, qui attire le monstre des mers dans une petite station balnéaire tranquille. Le requin la regarde à son insu nager nue dans l’eau, comme un voyeur, conduisant de fait le spectateur à la regarder comme un voyeur.

9/ Psycho. Puis pour la première fois, nous voyons le visage éclairé de Chrissie dans l’eau, qui arbore un grand sourire. Spielberg fait usage d’ironie car il sait ce qui va arriver à la demoiselle, alors qu’elle ne se doute de rien. La scène fait aussi écho à la scène de douche de Psycho d’Hitchcock (1960) : le bain, la victime femme insouciante, attaquée par surprise dans sa plus simple tenue.

10/ Christ. La situation se corse à ce moment-là : la vision du requin s’approche de ses jambes et la musique de John Williams est celle du fameux thème de l’attaque, séparant deux Fa d’un demi-ton, c’est-à-dire jouant un intervalle mélodique de « seconde mineure » (tan-ta-tan-ta-tan). Le musicien explique lui-même qu’il souhaitait exprimer l’écrasement, « comme le ferait un requin, instinctif, implacable, imparable ». La silhouette apparait en position christique, sacrifiant son corps au requin et au spectateur.

11/ Érotisme. Le regard du requin se rapproche à nouveau, et le corps de Chrissie adopte une posture érotique, comme prête à accueillir un amant. Métaphoriquement, le requin sauvage s’apprête à remplacer le prétendant défaillant.

12/ Morsure. Au plan suivant, Chrissie se fait mordre par le requin, un croc qui la tire de manière violente et rapide vers le bas. La mise en scène alterne le point de vue de la victime et le point de vue du requin. Ici le spectateur se met à sa place et souffre pour elle.

13/ Incompréhension. Elle ne comprend pas ce qui lui arrive et Steven Spielberg ménage un peu le suspense. « Je pensais que ce qui pouvait vraiment être effrayant, c'était de ne pas voir le requin et juste de voir l'eau ; parce que nous connaissons tous l'eau --- très peu d'entre nous ont été dans l'eau avec un requin, mais nous sommes tous allés nager », explique Steven Spielberg.

14/ Brutalité. Très vite, le requin intensifie son attaque. « La caméra reste immobile pendant cette scène, ce qui rend la baigneuse plus impuissante, presque comme si elle se faisait cogner contre le cadre. Le spectateur est figé, comme la caméra, incapable de l'aider ou de la sauver », analyse le contributeur Dean Newman sur le site des fans du film. La scène est extrêmement violente et choquante. « J’ai apprécié travailler avec Spielberg car il m’a clairement expliqué ce qu’il voulait : que les spectateurs soient morts de peur sous leur siège de cinéma avec leur pop corn », témoigne l’actrice Susan Backlinie, embauchée pour ses compétences de cascadeuse, car la scène nécessitait des harnais attachés à ses pieds afin de provoquer les mouvements brusques.

15/ « Help me ! ». Elle crie au prétendant de venir l’aider, mais il somnole sur la plage, complètement ivre, écroulé sur le dos. On comprend alors définitivement que le hippie n’est pas un type sur lequel elle peut compter, et encore moins un héros. Ses centres d’intérêt dans la vie, boire et faire la fête, au lieu d’entretenir sa santé, le rendent complètement défaillant. Il est à la fois impuissant sexuellement et héroïquement. Comble de la lâcheté, il marmonne en restant couché et inconscient : « i’m coming », nouvelle trace d’ironie à la Spielberg.

16/ God. Le requin ne la lâche pas et l’entraine vers les bas-fonds. Elle en appelle à Dieu : « oh God, no ! », qui est peut-être en train de lui infliger ce châtiment pour son bain de minuit. « Le gros plan du visage agonisé de la femme alors que le requin invisible déchire son corps sous l'eau est une imitation effrayante de l'orgasme, le cliché de l'équivalence du plaisir et de la douleur », déplore Dan Dubey dans Jump cut.

17/ Fin. La séquence se termine sur le plan récurent du prétendant endormi entremêlant plusieurs lectures parfois contradictoires :

-> Un point de vue viriliste des bonnes valeurs masculines car il est le symbole de l’homme passif, une belle au bois dormant version masculine, opposé au héros, incapable de changer le cours des évènements.

-> Un point de vue puritain. La jeune femme lui est restée inaccessible, une figure idyllique lointaine dans un rêve semi-éveillé. Son abstinence involontaire l’a sauvé. C’est peut-être aussi parce qu’il a gardé son caleçon qu’il a échappé au châtiment divin.

-> Un point de vue sexuel : le silence est revenu, la tension est descendue, tout parait désormais apaisé, comme une atmosphère post-coïtum après l’assault du requin incarnant la puissance sexuelle, mais une puissance agressive et mortelle.

-> Un point de vue opposant nature sauvage et civilisation décadente : c’est la nature sauvage qui établit l’ordre, les 2 hippies ne sont que des jouets de celle-ci : la femme meurt, l’homme dort.

Conclusion :

Dans les scènes suivantes, le requin ne s’en prend plus à des nageuses, uniquement à des hommes. Mais pour l’américain Dan Dubey, au regard de la volonté de faire de ce film un blockbuster, et de l’énorme succès public rencontré, la séquence introductive est révélatrice de la vision sociétale des femmes. « Plus un film est populaire, plus nous pouvons affirmer avec certitude que la vision de la réalité et les préoccupations sociales et psychologiques articulées dans le film sont celles de la société dans son ensemble ». C’est parce que le public adhère, même inconsciemment, à la vision anti-féministe du film, qu’il a pu apprécier le contenu, et l’a recommandé par le bouche à oreille. « Pour le public de JAWS, la combinaison d'images et de références possède un sens intuitif. La sexualité et la violence sont si inextricablement liées dans cette société que la présence de l'une explique la présence de l'autre », écrit Dan Rubey.

Il existe d’autres interprétations genrées de la violence de Jaws. Dans l’article "Jaws as patriarchal myth" de J.E. Caputi, le requin est un monstre de genre féminin, une déesse maléfique, une manifestation divine qui effraie les hommes, notamment à travers l’image d’un « vagin à dents » (Caputi, 1978). Qu’importe si dans le livre original (de Peter Benchley), il est précisé que le requin est un mâle, car cette information n’est pas présente dans le film. D’autres propositions s’intitulent : “Masculinity and crisis in Jaws”, “Jaws and eco-feminism” ou encore “Jaws: the case of the archetypal American villain as queer dissident attacking the heteronormative”. De manière unanime, la suite du film montre qu’il ne faudra pas des hippies mous du genoux, mais de vrais bonhommes pour rétablir l’ordre dans la communauté balnéaire. Un trio d’hommes courageux, munis d’un gros bateau. Jaws véhicule à la fois des clichés sur les femmes et sur les hommes, avec des rôles particuliers dévolus à chacun. Mais on pourrait relativiser en disant que Spielberg ironise sur ces clichés et qu’il ne les cautionne pas vraiment. L’esthétisation et l’ironisation des clichés s’entremêlent, ce qui rend le point de vue du réalisateur complexe, et ce qui lui permet aussi de toucher un public large.

Les ingrédients mysogines et la sexualisation de la violence de la séquence introductive de Jaws datent des origines des slashers movies, que l’on peut faire remonter à la seine de la douche de Psycho d’Alfred Hitchcock (1960). On peut également en trouver des traces dans Massacre à la tronçonneuse de Tob Hooper, un an plus tôt, en 1974. Mais le film de Spielberg contribue à perpétuer ce procédé narratif qui devient récurrent dans le genre qui prend son envol dans les années 1970. Les recherches empiriques sur le cinéma montrent que « les femmes non-survivantes avaient souvent adopté un comportement sexuel juste avant leur mort » (Cowan et O'Brien). Les hommes apparaissent mieux traités car ils sont tués rapidement alors que les femmes sont obligées de souffrir, ce qui permet aussi de faire retentir un cri plus aigüe et strident que leurs camarades masculins, mais ce qui tend aussi vers un certain sadisme genré. Ces analyses, qui peuvent évidemment être débattues, n’enlèvent rien aux qualités de ces films, ni à la liberté dont disposent les auteurs, mais permettent de mieux comprendre les images que nous recevons. Ces codes sur le genre et la sexualité seront en partie intégrés par le téléspectateur, qui devient un expert capable de comprendre la mise en abîme ironique de ces codes dans la trilogie Scream, œuvre de Wes Craven ayant relancé le genre slasher dans les années 1990.

Sources :

Jaws. Screenplay by Peter Benchley and Carl Gottlieb. Dir. Steven Spielberg. Prod. David Brown and Richard B. Zanuck. 1975. Special Edition Blu-Ray. Universal Pictures, 1975.

Séquence d’ouverture de Jaws en 4K :

https://www.youtube.com/watch?v=dg-HlHMhthY

Présentation de la scène sur le site des fans de Jaws :

https://thedailyjaws.com/blog/behind-the-screams-chrissie-attack-jaws

Interview de l’actrice :

https://www.traileraddict.com/jaws/jawsfest-susan-backlinie

Critique de Dan Rubey :

Rubey, D. (1976). The Jaws in the mirror. Jump Cut, 10(11), 20-23.

https://www.ejumpcut.org/archive/onlinessays/JC10-11folder/JawsRubey.html

Autre interprétation féministe (le requin, comme assaillant de genre féminin)

Caputi, J. E. (1978). Jaws as patriarchal myth. Journal of Popular Film, 6(4), 305-326.

https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/00472719.1978.9943447

Analyse récente du film dans the Observer :

https://www.theguardian.com/film/2015/may/31/jaws-40-years-on-truly-great-lasting-classics-of-america-cinema

Interview de Spielberg dans Téléstar

https://www.telestar.fr/societe/politique/steven-spielberg-mon-feminisme-je-le-tiens-de-mon-histoire-personnelle-326325

Pergent, B. (2013). Les femmes chez Steven Spielberg, Masculin, trop masculin ?. Dans : Vannina Micheli-Rechtman éd., Du cinéma à la psychanalyse, le féminin interrogé (pp. 101-113). Toulouse: Érès.

Wee, V. (2006). Resurrecting and updating the teen slasher: The case of Scream. Journal of Popular Film and Television, 34(2), 50-61.

https://www.proquest.com/docview/199487590?fromopenview=true&pq-origsite=gscholar

Sapolsky, B. S., Molitor, F., & Luque, S. (2003). Sex and violence in slasher films: Re-examining the assumptions. Journalism & Mass Communication Quarterly, 80(1), 28-38.

https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/107769900308000103

Note de blog sur la scène :

http://www.cinemablography.org/blog/behind-the-scenes-making-of-the-jaws-opening-scene

Scène de la douche dans Psycho :

https://www.youtube.com/watch?v=BYnPGS9Ev8w&list=PLuq_rgCzEP_N6ncWH5KAPMlzJYnIxhFQK&index=170

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2 janvier 2022 7 02 /01 /janvier /2022 18:53

Debout dans sa chambre d’hôtel d’Istanbul en plein après-midi, le jeune touriste américain Billy Hayes se scotche des plaques de haschich autour de l’abdomen. On entend alors la pulsation de son cœur. Ces battements se poursuivent dans la scène suivante, dans un autre lieu, autre moment : l’aéroport d’Istanbul par lequel il tente de passer sa résine de cannabis. Le cœur s’accélère de plus en plus ("heartbeat up"), et atteint un rythme effréné au moment de passer devant le douanier qui lui demande d’ouvrir son sac. A ce moment-là nous ne faisons plus qu’un avec Billy Hayes, ressentant le danger avec lui dans ce bureau de la douane.

Captures d'écran de la séquence introductive

Le battement de cœur est une des trouvailles fondamentales de ce scénario d’angoisse écrit quasiment seul par Oliver Stone en 1977, alors peu connu. L’idée ne vient ni du réalisateur, ni du livre autobiographique du véritable Billy Hayes. « Aucun de nous n'avait jamais lu un scénario comme celui-ci » témoigne le réalisateur Alan Parker sur son site officiel, qui n’apprécie pas du tout l’homme Oliver Stone, mais reconnait la qualité de son écriture. « Nerveux, sans compromis, succinct, plein de rage et avec une énergie cinématographique qui déchira les pages comme un train express de l'enfer ».

(Extrait de scénario d'Oliver Stone)

Billy ne doit pas juste cacher un produit illégal, il doit aussi cacher son émotion. Le battement constitue le fil rouge de la séquence car Billy est finalement trahi par celui-ci. Après avoir passé un premier douanier, il doit subir un deuxième checkpoint, lors duquel il subit une deuxième fouille. Son rythme cardiaque alerte ce deuxième garde-frontière qui prend son poul, et finit par découvrir le haschich, concluant ainsi la séquence d'ouverture du film. Ce battement joue ainsi un rôle majeur dans la tournure des évènements, le destin du personnage bascule à cause de son coeur.

Comment le jeune metteur en scène Alan Parker de 34 ans s’approprie cette idée de scénario ? La séquence est emblématique de la démarche du britannique, qui innove alors dans les dernières années du Nouvel Hollywood, par sa manière d’exprimer les émotions internes. Nous sommes non seulement dans les yeux de Billy Hayes (interprété par Brad Davis) par le cadrage, mais aussi dans son corps, par le son de son coeur, qui fait écho à notre propre stress. Le cinéaste ne nous montre pas le cœur lui-même, ni un encéphalogramme sur un écran. Tout passe par le son. Toutefois cette pulsation entraine des conséquences visuelles : la sueur qui dégouline sur son visage, le regard oblique. Le cinéaste revendique en interview un cinéma sensoriel, qu'il préfère au cinéma européen de dialogues, plus intellectuel.

La piste de son du coeur est ensuite remplacée par une autre : la musique électronique au synthétiseur de Giorgio Moroder. Une musique de film qui suit les évolutions de l’époque, récompensée par un Oscar pour sa modernité. « Contrairement au détachement émotionnel généralement associé à la musique électronique, nous voulions un son qui renforcerait l'impact émotionnel de la situation », a expliqué le compositeur. « Notre premier concept était de donner au film un centre récurrent – un rythme cardiaque naturel qui pouvait parfois être subtil, puis devenir un martèlement urgent ». Le battement du cœur de Billy Hayes ne retentit plus après la scène de l’aéroport, mais le battement artificiel de la boite à rythme ponctuant une mélodie psychédélique prend le relais, à partir de son arrestation. Le muscle cardiaque reste ainsi dans l'univers sonore tout le long du film, comme une relique du trauma initial.

Si Alan Parker a commencé sa carrière en tournant des publicités anglaises d’alcool et de cigares dans l’agence de Ridley Scott, c’est pour financer les films qu’il voulait tourner lui, et non exécuter des commandes. Par cette expérience, le cinéaste sait créer de l’intensité sur une courte séquence. Pourtant la scène se distingue des codes de la publicité : pas de voix off, pas de logos, pas de couleurs ni lumières tapageuses. Juste un battement de cœur qui recouvre les quelques mouvements épars d’un aéroport des années 70, sans boutiques. Un spot publicitaire vise à vendre un produit, en faisant passer des émotions de plaisir et de distinction sociale. Ici, le produit du film est du haschich, et rien ne donne envie d’en acheter, tant son interdiction le rend anxiogène. Il y a une frontière à traverser qui est à la fois une frontière physique, mais aussi une frontière légale. Disposer du haschich dans la rue, n’est légalement pas la même chose que de traverser la frontière avec. Le passage avec le douanier constitue le climax du film, alors qu’il se déroule seulement à la 3e minute. C’est un Billy Hayes très conscient de sa transgression qui est filmé. Sa manière de réagir nous informe de la transgression, mais à aucun moment nous voyons un code civil, un panneau d’interdiction, ou un spot télévisé sur le haschisch. Tout réside dans la palpitation vécue par le personnage. Finalement, il va vivre ce qu'il redoute par dessus tout : aller en prison. Il illustre à sa manière le constat du philosophe Jankélévitch : "l'homme brûle de faire ce qu'il redoute le plus".

Tournage de Midnight express dans le décor de la prison (source : site d'Alan Parker)

Cette séquence introductive dépose des informations, qui seront utiles pour la suite de l’histoire. Billy se trouvait au bord de l’explosion lors du passage à la douane, sans pour autant craquer. A partir de son arrivée à la prison turque, ses crises manifestent sa déperdition. Il se défait peu à peu de son caractère de départ, devenant d’abord violent verbalement (raciste), puis violent physiquement (dégustation d’oreille), et finalement ravalé à l’état d’animal à la fin du film (pulsion incontrôlable et folie totale). Le film provoque ainsi un grand malaise avec ces « scènes de violence insistantes et crasse sophistiquée », alimentées des « pires clichés xénophobes et racistes » selon la critique du journal Le Monde de l’époque. Lors de l'une des premières projections du film avec un public test, Alan Parker a vu une téléspectatrice bouleversée sortir de la salle et s’enfermer dans les toilettes : « soudain, vous vous rendez compte que ce qui scintille là-haut sur l'écran pour vous, en tant que cinéaste » produit un autre effet sur le public, « c'est une lourde responsabilité ». Or, cette première scène d’anthologie dans l’aéroport est dénuée d’agressivité et d’expression anti-turque. C’est une scène innovante et habile, qui arrive à faire passer une émotion très forte, sans aucune once de violence (ni de sexe, autre vecteur d’émotion directe). Cela en fait selon moi la plus belle scène du film.

Si on se demande quelle place occupe cette œuvre de 1978 dans la période de transition entre le Nouvel Hollywood et les années Reagan, on peut s’arrêter sur ce contraste entre cette première scène du battement de cœur et la suite du film. Cette première scène d’aéroport aurait pu être une piste à suivre dans l’évolution du Nouvel Hollywood, finalement fauché en plein vol. Elle montrait une voie pour aller encore plus loin, frapper plus fort émotionnellement, par l’inventivité. Mais c’est la suite du film, souffrant de ses excès et appauvrissements, qui incarnera les limites emblématiques du cinéma américain des années 1980. Oliver Stone écrira un autre climax de début de film dans Scarface réalisé par Brian de Palma, sorti en 1983 : une scène de tronçonneuse dans un bain de sang, très efficace et spectaculaire, mais beaucoup plus crue et beaucoup moins suggestive que la scène du battement de cœur de Midnight express. Rebelote, quand il écrit le scénario de « L’année du dragon » sorti en 1985 (Year of the dragon, réalisé par M. Cimino), un brillant film noir, mais qui commence par un double meurtre : coup de poignard dans le cœur et balle de pistolet dans la tête, puis gros plan sur les victimes. En passant ensuite derrière la caméra, Oliver Stone, qui a participé à la guerre du Vietnam, finira par porter lui-même à l'écran ses images traumatiques (Salvador, Platoon, Tueurs nés, etc.), plus violentes que ses premières lignes de Midnight express. Alan Parker deviendra lui l'icône d'un cinéma doux et stylisé des années 80, proche de la culture musicale, et contribuant à l'émergence des clips. Il réalisera notamment la comédie musicale à succès Fame (1980) et The Wall (1982). Il reprendra le procédé du battement de cœur dans plusieurs de ses films, en faisant une signature, notamment dans le thriller un tantinet érotique Angel Heart (1987).

Sources

Scenario :

https://www.dailyscript.com/scripts/Expressfinal.PDF

Scène du premier douanier :

https://www.youtube.com/watch?v=EDo4vnCCtAk

Site officiel d'Alan Parker :

http://alanparker.com/film/midnight-express/making/

Hommage à Alan Parker sur France culture (la grande table du 10/08/2020) :

https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-culture/hommage-a-alan-parker

Une interview d'Alan Parker :

https://teleobs.nouvelobs.com/actualites/20150416.OBS7407/ex-fans-des-eighties-interview-croisee-d-alan-parker-et-hugh-hudson.html

Un article consacré au compositeur Giorgio Moroder

http://www.20jazzfunkgreats.co.uk/wordpress/2013/03/heartbeat-concept/

Critique du Journal Le Monde du 19 septembre 1978 :

https://www.lemonde.fr/archives/article/1978/09/19/midnight-express-d-alan-parker_2988372_1819218.html

 

 

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29 décembre 2021 3 29 /12 /décembre /2021 22:26

Ce qui marque dans To Live and Die in L.A. de William Friedkin (Police federal Los Angeles en français) sorti en 1985, ce n’est pas la dérive morale des personnages principaux, assez habituels dans les films noirs. Mais son héros-policier (interprété par l'acteur William Petersen) qui s’avère complètement nul. Dans aucun autre film à peu près sérieux, on est confronté à un agent aussi incompétent. Au début, son mentor, lui aussi inconséquent professionnellement, est tué par le faux-monnayeur qu’il poursuit. Décidant de se rendre seul à sa mission, il se fait abattre à bout portant pendant qu’il fouille une poubelle à la recherche d’indices. Alors le lendemain, notre personnage principal prend le relais et jure de le venger, jouant le justicier dopé à la testostérone. Mais il s’endort en pleine planque nocturne, après avoir bu des verres de lait, laissant son ennemi trafiquer sous sa fenêtre. Parmi d’autres scènes de fiasco, il laisse échapper un prisonnier important (joué par le talentueux John Turturro) ; il fait également tuer un collègue policier en slip. Passons plusieurs autres scènes d’incompétences, à la fin (spoil) le héros se fait tout simplement assassiner par son ennemi à coup de fusil à pompe comme son ancien mentor.

Les années 1980 sonnent le retour des vrais héros dans le cinéma mainstream. Mais au milieu de cette décennie, on se retrouve avec ce personnage principal qui est l’inverse d’un héros. On ne peut même pas l’appeler « anti-héros ». Car un anti-héros désigne un premier rôle plein de failles, un peu boiteux, un peu maladroit, à la hauteur du spectateur qui peut s’identifier à ces humains qui leur ressemblent un peu. Là, il est tellement mauvais qu’il en est risible sans qu’on sache à quel point le film se veut ironique. Une dimension ridicule qui ne se retrouve pas dans le roman original de Pietevich, ex-agent reconverti dans l'écriture de polar.

 

La question est alors : pourquoi Friedkin filme un héros nul ?  On peut proposer plusieurs pistes :

 

- d’abord pour mieux mettre en valeur le méchant du film, joué par William Dafoe, qui incarne l’expert, un fabriquant de faux-billet professionnel. Son processus de fabrication est découpé en plusieurs étapes : en premier la création du négatif photographique du billet, puis sa transposition sur plaque, puis l’impression d’un premier jet de couleur, puis l’inscription d’un numéro avec une couleur différente, puis un découpage au millimètre du papier, puis le passage à la machine à laver pour donner une nouvelle texture, etc. Il doit utiliser des gants en caoutchouc spéciaux, travailler en chambre noire, brûler les résidus de matériel. C’est avec le même professionnalisme qu’il va s’occuper de son trafic : relation avec son avocat, les revendeurs, les acheteurs, etc.  Rappelons dans une brève parenthèse que Friedkin est lui-même un réalisateur minutieux, qui se documente énormément pour nourrir son histoire de détails réalistes. Il a embauché un vrai faux-monayeur pour présenter les différentes étapes de fabrication des billets.

La nullité du héros-policier sert ainsi l’histoire, et pour Friedkin, le récit est le socle de sa démarche. L’univers du lieu, la manière de filmer, les acteurs, etc. viennent ensuite le mettre en musique. Les stratégies du méchant brillent d'autant plus qu'elles contrastent avec les insuffisances de son poursuivant, ce qui crée un mélange des genres troublant. Au fur et à mesure que les fautes professionnelles s'accumulent, l'enquête devient de plus en plus burlesque, et nous comprenons que nous ne sommes pas devant un film classique. Elles colorent ce film noir d'un humour gris, qui concourent à en faire un OVNI cinématographique.

- Pour comprendre le sujet de la nullité du héros, un autre élément de réponse se situe bien sûr dans l’inscription de Friedkin dans le Nouvel Hollywood. Chronologiquement, au moment de To Dive et Live in LA en 1985, l’ère du Nouvel Hollywood est terminé, et Friedkin a vécu personnellement la fermeture de cet âge d’or, avec l’échec d’audience de Sorcerer en 1977. « Ce qui s’est passé, c’est que Star Wars est sorti sur les écrans peu après mon film et a radicalement changé le goût du public », témoigne le réalisateur. La figure du héros devient de plus en plus caricaturale. « Moi, je ne crois pas aux super-héros », dit Friedkin. Si le nombre de super-héros n’atteint pas le nombre que l’on connait aujourd’hui, Superman est tout de même sorti à la même période que Star Wars, et rencontre également un succès public. Puis le début des années 80 consacre les suites hyperboliques de Rambo et Rocky. A contre-courant, Friedkin déboulonne cette héroïsation exagérée qui modifie le rapport des téléspectateurs aux œuvres.

- Autre élément du Nouvel Hollywood : le discours politique. Ce cinéma de la contre-culture américaine travaille la tension entre le rêve sociétal (de liberté, de cohésion sociale, de vérité, etc.) et le pessimisme (la violence physique entremêlée à la politique, la corruption, le racisme, etc.). En 1985, la tension entre le rêve et le pessimisme, tend vers le désenchantement complet pour ces cinéastes qui vivent dans leur chair une défaite culturelle. Nous sommes au cœur des années Reagan, et le film affiche clairement un souci politique : ses premiers mots sont ceux d’un discours de Reagan qui associe le niveau d’impôts à la tyrannie. Dans To Live and Die in LA, on se trouve dans une époque marquée par cette nouvelle philosophie économique et ce qu’elle produit. A Los Angeles, les personnages errent de zones industrielles en réservoirs à gaz, entre de nombreux grillages menaçants, et des autoroutes à pertes de vue. Nombreux sont les terrains vagues, sans âmes qui vivent autre que des billets de banque, des détritus de ferraille, et les bruits de fond de moteurs qui vibrent dans cette géographie inhumaine. Les années 1980 produisent ce type de héros américain, que Friedkin caricature : frimeur, macho, violent, mégalomane, égoïste, individualiste, etc. Ainsi ce sont désormais ce héros nul (mais risible) et ce méchant expert (qui ne fait pas rire) qui conduisent ce monde désenchanté vers on ne sait où.

- Enfin, Friedkin s’interroge aussi peut-être sur sa propre inconséquence professionnelle. Sur French Connection (1971), il n’avait pas d’autorisation pour tourner la course poursuite dans New York. Il a envoyé Gene Hackman à 150 km/h foncer au milieu des piétons « qui n’étaient pas au courant », précise le cinéaste. Friedkin a mis des vies en danger pour satisfaire son ambition. Par ailleurs, il remet le couvert pour le tournage maudit de Sorcerer, marqué par la maladie de la malaria et une insuffisante sécurité dans les cascades : "C’était très dangereux, oui, quelqu’un aurait pu mourir, à cause du camion qui pouvait tomber à la renverse. La scène a été réalisée sans aucun trucage. Par la grâce de Dieu, personne n’a été blessé".

Pour conclure, To Live and Die in LA est un film étrange. Les films de Friedkin étaient déjà étranges avant, car ils s'écartaient d'une certaine tempérance du cinéma classique à la Coppola époque Parrain (cinéaste que Friedkin dit pourtant vouloir à égaler) : le réalisateur aime surligner son propos par des gros plans, des couleurs qui tâchent, de la musique stridente, un recours fréquent au gore, et de longues séquences extrémistes (de course, d’exorcisme, etc.). Mais ce film est recouvert de couches supplémentaires de bizarrerie avec sa lourde esthétique des années 1980 (musique new wave tapageuse, couleurs fluorescentes, voitures de luxe, flics lookés, etc.), et son mélange de sérieux et d'ironie, moquant un repère stable important pour tout film : le personnage principal.

Sources :

- Interviews de Friedkin :

https://www.troiscouleurs.fr/article/william-friedkin-le-cineaste-casse-cou-revient-sur-le-tournage-de-sorcerer

https://www.youtube.com/watch?v=Is7_hEIweCc

-Une contextualisation du passionnant Jean-Baptiste Thoret :

https://www.youtube.com/watch?v=Jf05nRrIMEg

-L'autre regard des critiques dans "La Dispute" de France culture :

https://www.franceculture.fr/emissions/la-dispute/cinema-le-parc-neruda-et-police-federale-los-angeles

- Une critique de blog d'Alexandre Clément, qui s'intéresse au roman original de Pietievich:

http://alexandreclement.eklablog.com/william-friedkin-police-federale-los-angeles-live-and-die-in-l-a-1985-a118385588

-Scène d'ouverture du film accessible sur You Tube :

https://www.youtube.com/watch?v=1YQWs0--CwY&list=PLDvtyvHTyvHR69ceOJZBPUGtNW4qgO9Cy

 

 

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20 janvier 2013 7 20 /01 /janvier /2013 15:34

Cancre exclu de toutes ses écoles durant l'enfance, Paul Thomas Anderson entre dès ses débuts en conflit ouvert avec ses producteurs. Scénariste-réalisateur-monteur : il sait tout faire, jusqu'aux affiches. Tout, sauf livrer des films de moins de 2h30. « Je suis toujours à la recherche de cette nuance, de ce moment de vérité, et on ne peut pas faire ça à la va-vite » (New York Times, 1999, cité dans le livre "Les six samouraïs", de Sharon Waxman).
 

Pour son premier long-métrage, Hard Eight (1996), Anderson interdit l'accès de la salle de montage à son producteur Robert Jones. Une coquetterie qui passe difficilement chez ses patrons de la Rysher Entertainment. Ils recoupent le film à la hache et décident de laisser son vieux héros Sydney vivant, alors qu'il est assassiné dans le scénario original centré sur "l'échec d'une vie d'homme". Qu'à cela ne tienne, Anderson trahit sa hiérarchie en envoyant sa propre version, d'une durée de 2h30, aux festivals de Sundance et de Cannes. Mais c'est celle des studios, resserrée à 90 minutes, qui est diffusée lors de la sortie nationale. Le réalisateur n'en démord pas pour autant.

Paul Thomas Anderson sur le tournage de Boogie nights (1997) :

Paul-Thomas-Anderson.jpg

 

Avec Boogie nights (1997), il livre une version de 2h45 à ses nouveaux producteurs de la New Line. A l'époque, ils ont besoin d'un auteur inventif à la Tarantino dans leur catalogue. Cette épopée de pornographes incarnés par Mark Walberg, Burt Reynolds et Julianne Moore, les sort de leur train-train. Mais ils grincent des dents devant la longueur du film. Anderson campe sur ses positions, il repousse poliment toute idée de coupes. « Je ne me verrais pas retirer cette scène là ». La tension monte pour le cinéaste. Les projections-tests, organisées avant la sortie officielle, révèlent les réticences du public, qui ne sait pas trop quoi penser d'un sujet sur le porno. Lorsque le chargé du marketing lui livre les derniers résultats, Anderson, excédé, avale la feuille, la mâche, la recrache par terre et saute dessus à pieds joints. C'est finalement sous la pression de la commission de censure, qui avait d'abord classé le film dans la catégorie « X », qu'Anderson doit raccourcir sa copie à 2 heures et 37 minutes. Résultat : moins de fornication et moins de sang. A la sortie, la critique applaudit, Tom Cruise aussi. Il veut être de la prochaine partie.

Magnolia.jpg

Ce sera Magnolia (1999), la troisième fresque. Anderson la considère alors comme celle de la maturité : des portraits ancrés dans le quotidien, pléthore d'acteurs célèbres, pluie de grenouilles surréaliste, chansons d'Aimee Mann pour emballer le tout. Il boucle l'affaire en 3 heures et 18 minutes. 

"Wise Up", d'Aimee Mann, bande originale de Magnolia :

 

Dans le making of du DVD, l'acteur William H. Macy est interviewé sur le plateau de tournage.

 william_h_macy.jpg 

Il raconte : «  Le scénario est incroyable. Je suis allé voir Anderson, je lui ai dit : « c'est formidable, mais c'est un peu long ». « Espèce de sale branleur, m'a répondu Anderson, je ne couperai pas un mot ».  Alors j'ai posé la question à Julianne Moore. Elle m'a dit « c'est génial mais c'est un peu long » ». William H. Macy le répète à Anderson, qui ne varie pas : « Espèce de sale branleur. Je ne couperai rien du tout » ».

Les producteurs de la New Line, terrorisés, lui ont accordé le "final cut" : le dernier mot sur le montage. Un privilège rare, réservé à une poignée d'auteurs, comme Scorcese ou Kubrick. Par ailleurs, la New Line a concédé dans son contrat qu'aucune projection test ne lui sera soumis. Mais face à la longueur du film, ils lui conseillent de couper des scènes. Le refus d'Anderson suscite des hurlements, mais il reste maître à bord. Ce n'est qu'après une projection en avant-première qu'il tiendra compte des critiques du public, réduisant Magnolia à 3h04. Finalement, aujourd'hui, il trouve le film trop long (cf cette interview).

Adam Sandler, dans Punch Drunk Love (2002) :

Punch-Drunk-love-piano-Sandler.jpg

Dès l'année 2000, le cinéaste l'annonce au journal britannique le Guardian : son prochain bébé durera 90 minutes. A cette époque, il a déjà repéré les acteurs Adam Sandler et Daniel Day-Lewis. Chose promise, chose due : en 2002, Punch Drunk Love emmène le spectateur dans une romance grinçante et magique, pendant 95 minutes. Après le cap atteint de Magnolia, Anderson semble être sevré, s'éloignant du drame et des pluies pour fricoter avec les arcs-en-ciel. Mais le public ne suit pas, les studios ne rentrent pas dans leurs frais.

      Un fabuleux montage du travail de Paul Thomas Anderson, par Joel Walden :

 

Anderson renoue alors avec ses démons de l'épopée, de la fresque, de l'éternité ... et il n'y va pas de main morte. Son histoire s'étale sur des décennies, dans des puits de pétrole sans fond. C'est There will be blood (2007) : un succès. Anderson détenait déjà le pouvoir du dernier mot sur le montage. Avec son oeuvre titanesque de 2h38, il obtient dorénavant la pleine reconnaissance du public.

The Master (2012) représente l'aboutissement de ce parcours : une fresque, des portraits nuancés sans condescendance de deux hommes torturés (l'un gourou de secte, l'autre vétéran de guerre), des plans lumineux et colorés comme dans Punch drunk love, une maîtrise de la direction d'acteurs. La durée de deux heures et des poussières, moindre que ses premiers films, montre qu'il s'est affranchi de ses automatismes. Il est devenu plus libre encore. Lors de la promotion, quand le Nouvel Obs lui demande "avez-vous déjà été sous l’emprise d’un « maître » quelconque" ? Il répond :

« Il n’y a jamais un maître et une victime ; c’est plus compliqué que ça. Joaquin Phoenix a comparé la relation des deux personnages dans le film à celle qu’il a avec son chien. Son chien l’aime, ils sont très proches mais, dès l’instant où le portail de chez lui est ouvert, il se sauve. Pourquoi son chien s’enfuit-il alors qu’ils s’entendent si bien ? Parce que c’est un chien.»

Joaquin Phoenix dans The Master

The-Master-Joaquin-Phoenix.png

En France, Paul Thomas Anderson, c'est celui dont les titres de films ne sont jamais traduits.

Dans le monde, c'est celui qui perpétue le mythe du cinéma américain, avec ses acteurs stars, sa pellicule à l'ancienne, et ses portraits de yankees toujours à la conquête d'on ne sait quoi.

Dans l'Histoire du cinéma, c'est celui qui a eu le dernier mot.

 

Sources :

Je me suis largement appuyé sur le livre « Les six samouraïs. Hollywood somnolait, ils l'ont réveillé ! », de Sharon Waxman, ed. Calmann-lévy, 2007.

Sur internet :

« Gare au gourou ». Nouvel Observateur. 9 janvier 2013

« Paul Thomas Anderson, la master class », L'express. 8 janvier 2013

« Rencontre avec Paul Thomas Anderson ». L'express. 20 janvier 2008.

« One Filmmaker’s Vivid Tales of Fathers and Other Strangers ». New York Times. 4 janvier 2008.

 « Magnolia maniac ». The Guardian. 10 mars 2000

Paul Thomas Anderson sur Wikipedia.

Logiciel :

J'ai utilisé le site Easel.ly pour réaliser l'infographie "La filmographie de Paul Thomas Anderson". 

Pour ses influences, je suis allé ,  et

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