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29 juillet 2022 5 29 /07 /juillet /2022 13:05

« Breaking bad » : Partir en vrille. Voilà pour la traduction basique. Mais c’est un "gérondif verbal" (en terme linguistique), une forme en "-ing", qui peut être interprété de plusieurs manières. Car le gérondif verbal est employé beaucoup plus diversement en anglais qu'en français (on parle plutôt de "participe présent" en français, dont le sens est limité dans notre langue, on l'utilise d'ailleurs peu, alors qu'on retrouve très fréquemment la conjugaison en "-ing" en anglais). Même une journaliste anglo-américaine n’est pas sûre de comprendre le sens de ce titre. « What exactly does that mean, i’m not cool enough to understand ?”, demande-t-elle au créateur Vince Gilligan lors d’une conférence de l’American film institute (AFI) en 2010 (voir :   https://youtu.be/9572UEEa530). Ce dernier raconte que quand il a écrit le script, les gens étaient trop polis pour lui poser cette question. Excepté le patron de la production Sony qui souhaitait changer le titre, car il ne le comprenait pas.

Nous distinguons 4 sens, à partir de plusieurs usages du gérondif verbal en anglais :

1/ Le gérondif de sens substantif, qui est un gérondif équivalent à un infinitif (on peut le traduire par un infinitif en français; et on peut le remplacer par un infinitif en anglais). L’expression « to break bad » est ainsi traduite par « mal tourner », « partir en vrille », comme dans notre définition de départ. L’infinitif ne spécifie pas de temporalité, il prend alors un sens général.

C’est le sens 1 en forme d’infinitif, qui est donné par Vince Gilligan à la journaliste. Plus précisément, il lui répond que l'expression provient de sa région de Virginie. Selon lui, elle signifie « to raise hell ». On pourrait la traduire par « atteindre l'enfer » (lui donne l’exemple d'un type qui aurait trop bu d'alcool au bar). S'il emploie l'infinitif c'est peut-être parce qu'ici, il désigne formellement "Breaking bad" comme le titre de son scripte. Un scripte qui enveloppe toutes les temporalités.

Vince Gilligan

 2/ Le gérondif de temporalité progressive. Il indique une action non achevée, en train de se faire, un processus. Ici une action de détérioration lente. Une expression cousine est « breaking down » que l'on peut traduire par "décomposition".

Le sens 2 est celui du fil rouge de la série intégrale. Elle nous raconte comment un gentil devient un gangster sombre au fil des saisons, sur le temps long.

3/ Le gérondif de temporalité courte, immédiate : un sens de démarrage, dans l’esprit des premiers épisodes où Walter White bascule dans sa double vie. Le sens serait ici ce moment où l’on « franchit la ligne », ou bien ce moment où l’on « pète un plomb ». A rapprocher de l'expression cousine « nervous breakdown », qui signifie dépression nerveuse, lorsque les nerfs lâchent d'un seul coup.

Le sens 3 est donné par le personnage de Jessie dans le premier épisode, où il se demande comment à l’âge de 60 ans, Walter va passer de l’autre côté de la barrière : « So straight like you, giant stick up his ass, all a sudden at age, what, 60, he’s just gonna break bad ? ». On peut le traduire par : « Donc un homme droit comme vous, avec un gros bâton dans le cul, tout d'un coup à l'âge de, quoi, 60 ans, il va craquer ? ».

On retrouve ce sens 3 dans l’Urban dictionary. Sometimes, life forces you to cross the line. You're going about your normal everyday routine, when suddenly something truly awful happens and all that pent-up rage you feel about your job, your marriage, your very existence, is released with unstoppable fury. Some call it "reaching the breaking point"; others call it "breaking bad."

https://www.urbandictionary.com/define.php?term=Breaking+Bad

Les sens 2 et 3 sont tous les deux donnés par l'interprète de Walter White, Brian Cranston, qui a précisé qu'on employait cette expression pour des personnes «qui ont franchi la ligne et qui ont mal tourné». Une attitude qui peut durer plus ou moins de temps: «Cela peut être pour la journée ou pour la vie», a-t-il ajouté.

https://tvmag.lefigaro.fr/le-scan-tele/series/2015/04/21/28005-20150421ARTFIG00327-pourquoi-breaking-bad-s-appelle-breaking-bad.php

4/ Le gérondif désignant une action antérieure par le Present perfect continuous (have been breaking bad). Un passé qui précède le présent. Ici plutôt un présent qui précède un futur. Car avant le générique, un épisode commence souvent par un flash forward. On nous place dans le temps futur de l’intrigue principale. Un futur décrivant une scène où les choses ont mal tourné, sans que l'on sache pourquoi (un homme dénudé face à l’arrivée de la police dans l’épisode pilote ; des agents en blouse de protection ramassant de mystérieux débris dans toute la saison 2 ; etc.). Après le générique, l’intégralité de l’épisode revient dans le présent.

C’est le sens possible de la vignette du titre du générique. On va nous raconter comment on en est arrivé là, à cette scène que l'on vient de voir. Comment les choses ont mal tourné.

Enquête à suivre avec le prochain épisode du spin-off "Better call Saul", intitulé "Breaking bad", diffusé ce mardi 2 août 2022.

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