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17 novembre 2010 3 17 /11 /novembre /2010 21:01

Le réalisateur Abdellatif Kechiche passe des films grand public gentillets (la Faute à Voltaire, l'Esquive, et la Graine et le Mulet), à une « performance » artistique violente, sans grand message apparent. Avec sa caméra mouvante et son montage saccadé, il se rapproche du Dogme en mettant en scène le côté obscure de cette chienne de vie. Saartjie Baartman (jouée par la Cubaine Yahima Torres), Noire, est venue d'Afrique du Sud avec Caezar, un Boer blanc, sur le continent des droits de l'homme. Il lui a promis un travail en Angleterre. Elle récolte le pire contrat du XIXe siècle : un CDI d'humiliation. Monstre de foire, elle incarne l'unique héroïne du spectacle de la « Venus Hottentote », une Africaine sauvage, enfermée dans une cage.

Venus-noire.jpg

Les Londoniens puis les Parisiens de l'époque se paient une dose d'exotisme. Une fois dans leur vie. Le spectateur du film aura droit à la répétition continuelle de ses brimades pendant près de trois heures (2h44), aux allures de manipulation émotionnelle. Venus Noire divise. D'un côté ceux qui ont été touchés par le film et qui se sont instruits sur le racisme scientifique. De l'autre ceux qui veulent partir avant la fin, écœurés par une torture morale, vaine. La comparaison des Noirs avec les singes n'est pas un scoop. Les phénomènes de foire ont déjà été traités par Elephant man. Que diable Kechiche a-t-il voulu démontrer ? Il livre quelques éléments de réponse : « J'entends la résonance entre cette histoire et notre époque », déclare-t-il dans l'Express. Ou encore : « Pourquoi cette femme a-t-elle accepté de souffrir autant ? ».

Venus-noire_2.jpg

Mais il signe un film étrange, aux multiples paradoxes. A la fois pénible et audacieux. A la fois mauvais dans l'immédiat et source de réflexions dans les jours qui suivent. Les allégories sur l'esclavage, les mises en abîmes entre les spectateurs et la scène, ne manquent pas. Mais l'objectif reste flou. Ces spectateurs, Blancs, au sourire malsain, passionnés de curiosité par cette Noire aux grosses fesses. A la fois racistes et compatissants. Que renvoient-ils sur nous-mêmes ? Nos regards exotiques sur l'Etranger sont-ils aussi condamnables ? Le spectateur, est à la fois complice et piégé à écouter le message de l'auteur jusqu'au bout, quand le message reste invariablement le même : vous êtes un spectateur de freak show. Abdellatif Kechiche a juste maltraité ses sympathisants, habitués à ses héros humbles, silencieux, et touchants. Ceux qui ont désiré voir sa nouvelle oeuvre ou venus se détendre devant un film familial de qualité. « Vénus Noire ne devait pas être un film agréable », précise-t-il. « Ne pas enjoliver les choses, même par l'émotion. Enlever toute idée de divertissement ».

Film français sorti le 27 octobre 2010

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