Le grand soir. Le surréalisme réaliste

Cette tragi-comédie ressemble à ses personnages, anars. La première ébauche du montage est restée la dernière, les coupes semblent inexistantes. Le film ne respecte pas l'adage "les blagues les plus courtes sont les meilleures", observant avec fascination les deux monstres comiques, Albert Dupontel et Benoit Poelvoord, qui n'ont jamais vraiment trouvé un projet à la mesure de leur talent (sauf Bernie), s'user face caméra jusqu'à la moelle. Nombreuses sont leurs scènes en solo, où ils contorsionnent leurs corps trois minutes de trop. Les brefs moments de dialogues entre ce commercial en burn out et « le plus vieux punk à chien d'Europe » sont succulents mais rares, chaque personnage enfermé dans sa bulle n'ayant pour seul compagnon que sa folie.

Cependant, ces défauts forment aussi la personnalité d'une oeuvre vue nulle par ailleurs. Le décor est primordial : une zone commerciale en plein air, comme il en existe tant en France, et qu'on ne voit jamais au cinéma. Moches ou pas, les enseignes Leroy Merlin, Conforama, Buffalo Grill, et Carrefour, sont bel et bien devenues les nouvelles icônes de l'hexagone. Les réalisateurs Benoît Delépine et Gustave Kerven trifouillent les plaies nationales de leurs doigts salés. Du dénuement, du vide et du repli sur soi, ils ne détournent pas le regard. Mais ils subliment ce réel, avec la dernière arme qui reste, l'imagination.

Film français sorti le mercredi 6 juin 2012