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La longueur de La maman et la putain
Film préféré du chanteur Philippe Katerine, La maman et la putain (The mother and the whore, pour la version anglaise, La mama y la puta en espagnol), fait partie des oeuvres fleuves. Pas un long long-métrage, mais un très long long-métrage, qui s'étale sur 220 minutes (3h40). Le plus long de Jean Eustache, plutôt friand des courts de 18 minutes, et le 8e film le plus long du monde (classement ci-dessous*). « J'ai eu envie de dire énormément de choses d'un seul coup. Comme on fait pour un premier film. Un bric-à-brac, sans styliser », raconte le réalisateur, en marge du festival de Cannes de juin 1973, où il reçoit le Grand prix spécial du jury. « On parle pendant longtemps, longtemps. Le film est fondé sur la parole », indique de son côté l'acteur principal Jean-Pierre Léaud. Tel un coureur de marathon, le spectateur doit être préparé psychologiquement et s'armer d'un bon Bordeaux des fagots, pour parvenir jusqu'au générique de fin sans se lacérer les veines avec les dents.
Mais grâce à ces 220 minutes d'écoute de Jean-Pierre Léaud, l'empathie arrive naturellement, pour ce personnage bavard auto-centré. Il divague sur la bonne manière de vivre sa vie : « utiliser les mots des autres », « rencontrer plutôt que séduire », et des milliers d'autres citations qui mériteraient de prévoir 220 minutes pour revoir le film. Tout comme le choquant La Grande Bouffe (de Marco Ferreri), La maman et la putain reçoit un accueil houleux, en 1973 à Cannes, pour ses thématiques anti-mai 68 : Sartre est décrit comme un alcoolique bedonnant, le mythe du trio amoureux est découpé en petits morceaux, le féminisme moqué. « Moi quand j'aime bien quelqu'un, j'aime bien lui porter son petit déjeuner au lit », confie enjouée Françoise Lebrun alias Veronika Ostervald, à son prétendant. Tourné en noir et blanc, le film est considéré comme le dernier de la Nouvelle vague, et le meilleur de Jean Eustache, suicidé en novembre 1981.
La qualité dans l'ennui
La longueur confère une dimension majestueuse : Le Seigneur des anneaux (version longue : 3h39), Titanic (3h14), Autant en emporte le vent (3h58), Ben Hur (4h20), ne sont pas nés de la dernière pluie de téléfilms d'M6 ou de W9. Ils font parties de ces produits devant lesquels des fans se signent, genoux à terre. Même les plus sceptiques, éprouvent à l'égard de ces oeuvres, un minimum de respect. Ainsi pour prodiguer à un succès des airs de films cultes, les producteurs n'hésiteront pas à sortir des versions longues, uncut, redux, non censurées, etc... Faut-il ennuyer le spectateur pour lui proposer un film qui en impose ? Pourquoi pas, répondrait Jean Eustache, qui fait discourir Jean-Pierre Léaud sur : "la secte d'hérétiques dont parle Borges (...) et dont la qualité essentielle est dans l'ennui. Pas dans la foi, l'enthousiasme : dans l'ennui, le nul" (La maman et la putain).
Les trois films les plus longs du monde :
1/ Cinématon, de Gérard Courant. 1978. Durée : 155 heures (six jours). Il s'agit d'une succession de portraits, filmés à partir du 7 février 1978. Le réalisateur poursuit toujours son oeuvre. Au 14 décembre 2010, elle totalisait 2331 portraits d'environ trois minutes, d'après son « compteur Courant ». On y retrouve notamment le chanteur Bertrand Cantat, le cinéaste Win Wenders, les comédiens Sandrine Bonnaire, Gérard Jugnot, Mathieu Amalric, etc... Les visiteurs veinards du Microscope Gallery, à New York, ont pu se taper la rétrospective intégrale, entre le 28 octobre et le 14 novembre 2010.
2/ The Cure for Insomnia, de Lee Gorban, 1987. Durée : 87 heures (trois jours et 15 heures). Film désigné comme le plus long film du monde par le Guiness des records. Lee Groban récite son poème de 5000 pages. Extrait disponible sur son site :
- « Je me demande pourquoi les dessinateurs des bandes dessinées des journaux populaires n'utilisent jamais de noms polonais, arméniens, ou roms pour leurs personnage ?»
- « C'est tout ce que vous avez fait toute la journée ? Cette réponse sonne comme une résistance ».
- « Par la barbe du Seigneur Eordogh des Ordogkeresztur et Nagyeskulo, c'est une résistance. Par la barbe du Seigneur Cseffei de Totor et Noszalya, c'est une résistance. Par la barbe du Seigneur de Kallo, Ecsed, Tokaj, Szendo, Murany, Szecseny, et Regecz, c'est une résistance. »
Etc, Etc, Etc,...
3/ Huo shao hong lian si, de Zhang Shichuan, 1928. Durée : 27 heures. Un des premiers succès des films de sabres chinois (genre connu sous le nom de « Wu Xia Pian »). En réalité, il ne dure pas 27 heures. L'historiographie triche, en ajoutant à la durée du premier opus celles de ses 17 suites, tournées entre 1928 et 1931, par le même réalisateur. Résumé : sauvetage d'un commandant enfermé dans un temple aux multiples pièges.
*Les 10 vrais films les plus longs du monde (racontant une histoire) :
1/ Out 1 : Noli me tangere, de Jacques Rivette, 1970. Durée : 12h30 (ou 750 minutes). Jean-Pierre Léaud et Bernadette Lafont, deux des trois principaux acteurs de La Maman et la Putain, sont encore de la partie. Photo ci-dessous : Juliet Berto. Résumé : découverte d'une société secrète.
2/ Ebolusyon ng isang pamilyang pilipino, du philippin Lav Diaz, 2004. Durée : 10h43 (643min). Résumé, selon le site suisse Fiff : Le film couvre la période du régime Marcos, entre 1971 et 1987, aux Philippines. Il raconte l'histoire de la famille Gallardo, des pauvres paysans pris dans les filets des magouilles politiques. Il a été tourné sur une période de 9 ans.
3/ Guerre et Paix, de Sergei Bondarchuk, 1967. Durée : 6h41 (401 min) au Royaume-Uni. Moins long que le bouquin ! Selon Forbes, si l'on prend en compte l'inflation, le film coûterait plus de 700 millions de dollars à leur cours moyen de 2005, ce qui en fait le film le plus cher jamais réalisé. Avatar est évalué à 500 millions de dollars maximum.
4/ Nos meilleures années de Marco Tullio Giordana, 2003. Durée 6h06 (366 minutes). Résumé : Parcours de deux frères en parallèle avec l'histoire italienne de la fin des années 60.
5/ 1900, de Bernardo Bertolucci, 1976. Durée : 05h25min (325 min). Résumé : Itinéraires de deux enfants italiens nés en 1900.
6/ Mystères de Lisbonne, de Raúl Ruiz, 2010. Durée 4h26 (266 minutes). Résumé : adaptation d'un roman de Camilo Castelo Branco sur le destin, l’imagination et la mort, se déroulant aux XVIIIe et XIXe siècle.
7/ Cléopâtre, de Joseph L. Mankiewicz , 1963. Durée : 4h03 (243 minutes). Résumé : une chaude égyptienne.
8/ Ben Hur, de William Willer, 1959. Durée : 4h (240 min). Résumé : Astérix contre César.
9/ Autant en emporte le vent, de Victor Fleming , 1950. Durée : 03h58 (238 minutes). Résumé : Scarlett avant Johanson.
10/ La Maman et la Putain, de Jean Eustache, 1973 : 3h40 (220 minutes). Résumé : encore une fois ?
10e ex aequo / Les 10 commandements, Cecil B. DeMille, 1956. Durée : 3h40 (220 min). Résumé : premier cours de catéchisme.
10e ex aequo / Il était une fois en Amérique, de Sergio Leone, 1984. Durée : 3h40 (220 minutes). Résumé : Fresque sur une amitié d'enfance avec Robert de Niro et James Woods. A la fois un film culte, car le plus personnel de Sergio Leone, mais aussi son seul échec commercial.
